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Les défis de l'Europe: L’intégration européenne dans la tourmente des années 2005-2015

Dynamique territoriale de l'Union Européenne

9 Avril 2015, 14:50pm

Publié par Alistair Spagnolo

Dans une Union Européenne qui représente actuellement le troisième ensemble géopolitique mondial, derrière les Etats-Unis d’Amérique et la Chine, la question des dynamiques de développement du territoire européen semble primordiale pour appréhender l’avenir de cette construction dont nombre d’indicateurs montrent des signes de faiblesse [1].

En premier lieu, il convient de revenir sur les volontés fondatrices des Etats membres, présentes dans le préambule du traité de Rome, on retiendra pour notre réflexion les alinéas suivants - renforcés dans l’article 174 du traité de Lisbonne [voir annexes] :

« […] Assignant pour but essentiel à leurs efforts l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi de leurs peuples,

[…] Soucieux de renforcer l'unité de leurs économies et d'en assurer le développement harmonieux en réduisant l'écart entre les différentes régions et le retard des moins favorisés. »

En se penchant sur la situation européenne, l’absence d’une véritable dynamique de réduction des disparités questionne : Quelles sont donc les raisons de cette mosaïque territoriale, et comment l’UE intervient-elle ? Si les indicateurs sont forcément non-exhaustifs, plusieurs tendances de fond apparaissent sur les dernières années, à commencer par la faiblesse démographique. En 2014, les 28 pays membres l’UE comptaient 100 millions d’habitants supplémentaires par rapport au même chiffre en 1960, mais cette dynamique est trop faible pour exercer à la fois un poids suffisant face aux nouveaux acteurs mondiaux ainsi que pour contrer le vieillissement d’une population qui comptera d’ici quinze ans 30% de personnes âgées de 65+ ans. Cette contraction de la population active repose sur deux déséquilibres:

premièrement un taux de fécondité inégal à travers l’Union [2]

premièrement un taux de fécondité inégal à travers l’Union [2]

Deuxièmement des soldes migratoires variant fortement selon les pays [3].

Deuxièmement des soldes migratoires variant fortement selon les pays [3].

Ce recours à l’immigration peut compenser une population structurellement décroissante mais pose néanmoins la question de l’intégration, liée, désormais, au chômage important. Les problèmes économiques dont découle le chômage présentent encore plus clairement des contrastes intra-étatiques, à l’échelle de régions [4], parfois transfrontalières.

Dynamique territoriale de l'Union Européenne

Enfin des chiffres alarmants sur le risque de pauvreté ou d’exclusion illustrent une inégalité des populations selon les territoires. L’ensemble de ces données se recoupe sur la carte du développement des régions fournie par la Commission [5].

Dynamique territoriale de l'Union Européenne

Au niveau de l’industrie, les déséquilibres sont massifs et, dans une Europe en phase de tertiarisation, nombre d’espaces doivent penser leur reconversion. Rejoindre le marché puis la monnaie unique a par ailleurs constitué un véritable révélateur des différences de compétitivité, par la suppression de la politique monétaire pour les membres de la zone euro, et en l’absence d’une circulation massive de main d’œuvre tel qu’on peut la trouver aux Etats-Unis ou en Chine. En termes de PIB, si les pays post élargissement de 2004 (UE-13) ont connu une hausse de 15% - à l’exception de la Hongrie qui stagne - par rapport à une moyenne européenne stable sur la période 2004-2011, ils restent inférieurs à cette moyenne [6].

Dynamique territoriale de l'Union Européenne

Cette hausse importante du PIB dans les UE-13 est imputable à une augmentation de la productivité, conséquente à des investissements ciblés [7]. La question des investissements apparaît comme le facteur clé pour permettre un rattrapage, si ce n’est une convergence, des économies bénéficiaires, tout en produisant une circulation de second rang de capitaux de 30 à 40% en direction des pays contributeurs. En cela, la politique de cohésion - 45% du budget de l’UE - peut être considérée comme un instrument supérieur à la PAC par l’effet de levier que produit son modèle de cofinancement [8] dont le « boom » des pays du Sud est représentatif avec par exemple le cas des autoroutes, où 77% étaient cofinancées par le FEDER entre 2000 et 2006. Toutefois, le surendettement est venu perturber ces économies, et les fonds structurels ne résolvent pas nécessairement les écarts de développement internes, pour lesquels une politique et une gestion équilibrées de l’Etat et ses régions demeurent indispensables. Le récent plan Juncker semble toutefois avoir privilégié des objectifs appropriés pour un développement plus harmonieux des territoires en axant la croissance et l’emploi sur les infrastructures, la transition énergétique et le numérique. Mais sa réussite repose ici aussi sur des propositions émanant des Etats et régions, et vient questionner la pertinence des politiques d’austérité ou des sévères réformes nécessaires à l’adoption de « l’acquis communautaire » pour les récents entrants, en diminuant l’investissement dans ces régions périphériques en quête d’une convergence.

C’est dans ces contradictions que l’UE cherche aujourd’hui à mettre en œuvre une politique régionale capable d’aménager le territoire, réduire les inégalités tout en favorisant la croissance et l’emploi. Nombre de modèles peuvent être identifiés pour corriger chacun des défis mentionnés, mais les écarts considérables ne pourront disparaître que par une approche résolument supranationale, par une remise en question de l’échelle d’action – débat sur les eurorégions - et une pensée approfondie sur l’organisation territoriale européenne.

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Sources :

[1] : Pierre VERLUISE, Géopolitique des frontières européennes. Elargir, jusqu’où?, 2013, Argos

[2] : carte A

[3] : carte B

[4] : carte C Unemployment rate in the EU, Eurostat 2013

[5] : carte D

[6] : carte E et tableau F

[7] : UE 27 Disparités interrégionales : la réduction est-elle un objectif inatteignable en période de crise ? Par Marjorie JOUEN, le 9 septembre 2012, Diploweb

[8] : UE 27 Disparités interrégionales : la réduction est-elle un objectif inatteignable en période de crise ? Par Marjorie JOUEN, le 9 septembre 2012, Diploweb

Sources complémentaires (en ligne) :

http://ec.europa.eu/eurostat/cache/RSI/#?vis=nuts2.education

http://www.citylab.com/work/2015/02/4-maps-crucial-to-understanding-europes-population-shift/385293/?utm_source=SFFB

Politique européenne de cohésion Par Raphaël GOULET, le 16 novembre 2011, Diploweb

L’UE, modèle multipolaire ? Par Pierre VERLUISE, le 28 octobre 2012, Diploweb

Thomas PERRIN, "L'institutionnalisation de la coopération transfrontalière en Europe", CERISCOPE Frontières, 2011

Rachel GUYET, "Les politiques de cohésion économique et sociale au sein de l'Union européenne", CERISCOPE Pauvreté, 2012

Les défis de la future politique régionale européenne 2014-2020 : on prend les mêmes et on recommence ? Par Sébastien BOURDIN, le 20 mars 2014, Géoconfluences

Europe Géopolitique, Le dessous des cartes, Arte, 2008

Inégalités régionales, in Dictionnaire critique de l’Europe, Christian VANDERMOTTEN

Annexes & Cartes :

Article 174 Traité de Lisbonne

(ex-article 158 TCE)

Afin de promouvoir un développement harmonieux de l'ensemble de l'Union, celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique, sociale et territoriale.

En particulier, l'Union vise à réduire l'écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions les moins favorisées.

Parmi les régions concernées, une attention particulière est accordée aux zones rurales, aux zones où s'opère une transition industrielle et aux régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents telles que les régions les plus septentrionales à très faible densité de population et les régions insulaires, transfrontalières et de montagne.

Tableau F

Tableau F

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